http://fr.sports.yahoo.com/tennis/blog/jeu-decisif/article/7735/
Christophe Thoreau se mouille un peu, merci à lui.
J'ai longtemps hésité avant de me lancer dans ce «post». Jamais facile d'écrire avec objectivité sur quelqu'un que l'on connaît et avec lequel on a travaillé et dont on apprécie le regard sur le tennis. Patrice Dominguez, puisqu'il s'agit de lui, est donc poussé vers la sortie de la FFT. Directeur technique national depuis 2005, il va quitter ce poste une deuxième fois, après un premier bail de 1994 à 1996, terminé en eau de boudin pour une histoire d'alcôve.
Ah Patrice Dominguez ! Un cas, ce «Dominguo». Unique même. Depuis sa retraite de joueur à la fin des années 70, à l'heure de l'émergence de Yannick Noah, l'ex-numéro un français, monté à la 36e place mondiale en 1973, a effectué toutes les activités possibles dans le tennis français : coach (Leconte, Santoro), capitaine de Coupe Davis, directeur de tournois (Anvers, Metz, notamment), consultant ou journaliste pour la presse écrite et à la télévision (il a même dirigé le service des sports de La Cinq), auteur, j'en oublie sûrement et DTN donc, par deux fois. Une boulimie axée sur sa passion absolue pour le tennis - peu de gens vivent et respirent ce sport comme lui- mais nourrie également par son ego.
Cet activisme jamais assouvi, ce côté inspecteur gadget du tennis, est en fait le vrai talon d'Achille de Dominguez. Cumuler pourquoi pas, si on trouve le temps de tout faire correctement (ce qui est plutôt son cas à mon avis), mais certaines fonctions sont parfois incompatibles. Je dois dire que je n'ai jamais compris comment l'ami Patrice avait réussi à garder d'autres responsabilités parallèlement à son job de DTN, une haute fonction dans le sport en France, dépendant du Ministère, faut-il le rappeler.
Son implication dans les médias (RMC, France TV notamment) et en même temps dans l'organisation de tournois privés versait dans le conflit d'intérêts.
Il n'est pas possible de s'exprimer à la radio avec recul sur les joueurs français alors que l'on est à leur tête. Ni de parler du tennis français en faisant oublier que l'on en est un acteur capital. Peut-on vraiment critiquer un joueur français à la dérive à la télévision -Gasquet l'an passé avant Bercy- alors que son rôle est d'aller l'aider ? Aucun autre DTN dans le sport français n'est aussi médiatiquement impliqué. Cette double casquette a toujours agacé pas mal de monde dans la petite famille du tennis. Dominguez, qui est un type brillant, le sait sans aucun doute. Mais l'envie d'être partout (l'argent aussi ?) est la plus forte. A sa décharge, comme il est un très bon analyste de son sport, Dominguez est très demandé...
Revenons son job principal de DTN. Quelles ont été ses grandes actions ? Dominguez a mis en place plusieurs réformes fondées sur un rétrécissement et un rajeunissement de l'élite, notamment chez les filles, le jeu sur terre battue (objectif gagner «Roland») ainsi que le travail physique. Il est encore un peu tôt pour savoir si cette politique va porter ses fruits mais il est sûr que ce grand collectionneur de raquettes n'est pas resté les mains dans les poches.
En tant qu'ancien joueur, Dominguez s'est aussi totalement impliqué dans la gestion du haut-niveau. Son deuxième «mandat» de DTN a coïncidé avec le lancement à grand frais et battement de tambours du Team Lagardère, le groupe débauchant à tour de bras entraîneurs et joueurs estampillés FFT. Dominguez a vécu la naissance de cette nouvelle structure comme une trahison. Et en a fait un combat. Là encore, je n'ai pas bien compris. Certes, ils étaient agaçants au début les Lagardère boys à bomber le torse et expliquer qu'avec leurs méthodes ultra-modernes, il allaient tout révolutionner. Mais pourquoi ne pas avoir vu dans cette initiative une chance supplémentaire de voir des joueurs français briller ?
Franchement, ce sont des querelles de clocher. Car si un joueur Lagardère avait gagné un Grand Chelem ou aidé la France à remporter une nouvelle Coupe Davis, qui aurait été le grand gagnant dans l'affaire ? Le tennis en France, point barre. Le grand public se fiche bien de savoir si un joueur est entraîné dans le privé ou à la FFT. Ce n'est que de la cuisine interne. Dominguez n'a pas vu les choses ainsi (y avait-il une rancune vis-à-vis d'Arnaud Lagardère qui l'avait écarté d'Europe 1 ?). Il a mené cette bataille en faisant monter les enchères afin que certaines vedettes du moment -notamment Gaël Monfils- continuent de se préparer dans le giron fédéral. Je trouve que ce n'est pas le rôle de la FFT de «s'offrir» des joueurs qui gagnent déjà très bien leur vie. Pour moi la fonction de la Fédé est de détecter les talents et de les former. Devenus pros, c'est aux joueurs de prendre leur destin en main, de se payer des entraîneurs et des préparateurs physiques. La plupart des joueurs étrangers du top 100 sont dans cette situation, pas les Français dans la plus grande majorité des cas. Mais c'est un autre débat.
Cette bataille contre Lagardère, et sans doute d'autres choses, n'ont visiblement pas été du goût de Jean Gachassin, nouveau président de la FFT, et de ses acolytes du bureau fédéral, qui ont choisi d'écarter Dominguez, au profit de Patrice Hagelauer. Ancien responsable du haut-niveau, «Hagel» retrouve donc la Fédé où il a effectué la plus longue partie de sa carrière. Ironie de l'histoire, il débarque tout droit... du Team Lagardère.
Mais quand on parle du sympathique Hagel (avec lequel, j'ai également bossé, comme ça je ne vous cache rien), l'ombre de Yannick Noah, qu'il coachait l'année de sa victoire à Roland (pour les plus jeunes d'entre-vous...), n'est jamais très loin. Ce n'est un secret pour personne, Gachassin et le grand Yann s'apprécient. Le nouveau président de la FFT aime à lui demander conseil. L'arrivée d'Hagel, - mais j'interprète peut-être - n'est sans doute pas un hasard, le courant entre Noah et Dominguez n'étant jamais vraiment passé. Une chose est sûre en revanche: cette passation de pouvoir à la DTN, si elle doit bien avoir lieu, clôture définitivement l'ère Bîmes.